Historique

La grève sociale n’est pas un quelque chose de nouveau, loin s’en faut. L’histoire des mouvements sociaux est ponctuée de ces alliances entre différents secteurs de la société le temps d’une grève ou de mobilisations générales. Mais chose certaine, lorsque l’agitation, la perturbation et les grèves sont radicales, elles le sont toujours sous l’impulsion des masses, que ce soit sur des bases ouvrières, étudiantes ou citoyennes. Il eut historiquement plusieurs mouvements de grèves sociales ayant eu des répercussions majeures, la commune de Paris et les grandes grèves du Barcelone d’entre-deux-guerres sont certainement parmi les plus célèbres. Mais au Canada et au Québec il y eut également des grèves d’une ampleur insoupçonnée. C’est ainsi qu’il est possible de voir la grève de Winnipeg de 1919 et le front commun du secteur public québécois de 1972 comme des évènements s’inscrivant dans un cadre d’arrêt massif des activités productives. Leurs revendications visent la société en général plutôt que simplement les intérêts spécifiques des travailleurs, permettant de s’attaquer à des problèmes structurels plus profonds.

Grève de Winnipeg 1919

Le printemps 1919 va être marqué par la grève générale de Winnipeg qui débute, suite au refus patronal de reconnaissance syndicale et de négociation collective à l’égard des travailleurs-euses du bâtiment et de la métallurgie. Un vaste mouvement de solidarité se met alors en branle. Dès lors, près de 35 000 ouvriers et ouvrières entrèrent en grève le 15 mai 1919. Winnipeg est alors totalement paralysée, autant au niveau de la production qu’au niveau service, tandis que les assemblées, manifestations et émeutes, animées d’un esprit révolutionnaire, assurent le déroulement de la lutte ouvrière. Un comité de grève fut également créer afin d’assurer les services essentiel aux citoyens-citoyennes. La grève générale de Winnipeg marqua aussi une solidarité ouvrière plus globale, puisque des grèves et des manifestations d’appuis ont lieu dans plusieurs autres villes canadiennes. Bien que les objectifs de départ des grévistes n’ont pas été obtenus, cette grève générale a pavé la voie aux longues luttes menant à l’obtention de la semaine de 40 heures, l’amélioration des conditions de travail, la reconnaissance syndicale et le droit de négociation

Le front commun de 1972

Pour sa part, le front commun de 1972 représente la grève générale la plus importante de toute l’histoire canadienne avec plus de 200 000 employéEs-grévistes provenant du secteur public et parapublic québécois. Cette grève se voulait une tentative de sortir du cadre de la négociation collective classique dans l’espoir d’arriver à des gains pouvant bénéficier à l’ensemble de la société et particulièrement aux plus bas salariés. Ainsi, les demandes concernaient autant les salaires (travail égal, salaire égal indépendamment du sexe, du secteur ou de la région; revenu hebdomadaire minimum1) que la sécurité d’emploi et les avantages sociaux reliés au travail. Il y avait également une volonté, des syndiquéEs du front commun, d’obtenir une rémunération qui n’allait pas être aligné sur le privé, mais qui allait au contraire être supérieure à ce secteur et ainsi avoir un effet d'entraînement positif sur celui-ci.

La loi spéciale 19 (qui suspend le droit de grève et fixe des amendes en cas de non-respect) combiné à la répression étatique envers des dirigeants et des militants syndicaux appelant à la désobéissance civile, entraîna une grève spontanée, déclenchée par la base syndicale. Pendant une semaine cette grève sauvage va mener à l’occupation des villes de Sept-Iles, Joliette, Sorel, Thetford Mines et de différents postes de communication un peu partout à travers le Québec. Ce premier front commun des centrales syndicales combiné aux grèves spontanées et aux actions directes ont permis d’obtenir plusieurs gains. Notons en autres l’obtention du salaire minimum de 100$ pour les employéEs de l’État ainsi qu’une augmentation de l’échelle salariale qui favorise ceux et celles ayant une plus faible rémunération.

La commune de Paris 1871

La commune de Paris naît dans un contexte de guerre entre la France de Napoléon III et les États allemands coalisés autour de la Prusse. Dépité par le gouvernement qui pactise avec la royauté Prusse et qui souhaite soustraire la ville de ses défenses militaires et miné par la famine et les mauvaises conditions sociales, le peuple de Paris se soulève dans un mouvement d’insurrection. Les classes populaires parisiennes vont alors prendre contrôle de la ville et ce, durant plus de 80 jours! Cette révolte, propulsée par l’initiative des ouvriers, permettra d’établir une véritable démocratie directe (notons une ombre au tableau, car seuls les citoyens masculins seront directement impliqués). Dès lors, l’action directe est collective et on assiste à la mise en place de principes autogestionnaires au niveau de la production. Les communards chercheront à pousser plus loin l’application des principes socialistes et égalitaristes, mais la répression des armées européennes mettra fin à leurs aspirations. Ce fut malgré tout un évènement majeur de l’histoire européenne, non seulement parce qu’il permit d’entrevoir la possibilité d’une société différente, mais aussi parce qu’il planta définitivement le clou du cercueil de la monarchie en France en empêchant sa restauration. Ce fut un des clous qui empêcha une restauration de la monarchie en France

Grève de la Canadiense 1919

En Espagne, la fin de la première guerre mondiale est marqué par la volonté affichée du patronat de reprendre l’initiative du combat social. À coup de lock outs, d’organisation paramilitaire, les patrons cherche à affaiblir les syndicats et à arracher à la classe ouvrière certains de ses acquis, et ce par tous les moyens. Au cours des mois de février et mars 1919, une grève de solidarité, mené par la Confédération National du Travail (CNT) va être le point de départ d’une lutte plus globale. Ainsi, le licenciements d’ouvriers de l’industrie hydro-électrique, la Canadiense servira de genèse à un mouvement qui va rapidement paralyser le secteur industriel barcelonnais avant de s’étendre à toute la Catalogne et ensuite à la province d’Andalousie. Dès lors, le mouvement syndical de la CNT détient un rapport de force suffisant afin de remporter une importante victoire face au patronat, en obtenant de la Canadiense la réembauche des employés démis de leurs fonctions et une augmentation salariale. La Confédération Nationale du Travail parvint également à obtenir, par la lutte de ses syndiqués, un décret gouvernemental instituant la journée de travail de huit heures et la libération des camarades incarcérés par la police barcelonaise.

Réflexions

Il faut rappeller que si les gains obtenus lors de tels conflits semblent parfois minimes, c'est qu'il est essentiel pour la classe dirigeante de donner l'illusion de ne pas plier face aux mouvements sociaux. En effet, pour éviter la propagation de tels mouvements, la répression est la première arme et la seconde, c'est une impression de défaite. Toutefois, le gouvernement se doit d'agir en fonction d'éviter les soulèvement populaires s'il veut rester en poste. Ainsi, l'enjeu n'est pas une augmentation salariale ou la réduction de la semaine de travail, mais l'ensemble des politique gouvernementales des 5 à 10 années suivantes qui est en jeu, qui deviennent plus douces, plus progressives, de peur que de nouveaux soulèvement se produisent.

[1] ROUILLARD, Jacques, Histoire de la CSN (1921-1981), Boréal express/CSN, 1981, 335p.