Comment faire ?

Le cadre juridique canadien encadre très fortement le droit de grève pour les travailleurs et travailleuses. Si la reconnaissance du droit de grève apparaît comme un gain, il a également l’effet pervers d’en établir les limites. Par exemple, il est interdit de cesser la production hors d’un conflit de travail. Or il s’avère nécessaire, dans un contexte économique d’appauvrissement généralisé, de prendre le contrôle de nos moyens de lutte. Et une des manières de rendre la grève possible est sans contredit en établissant des liens de solidarité avec d’autres organisations. Voici un survol de différentes façons de faire.

Les approches classiques

Pour être en mesure de produire, une entreprise doit minimalement avoir accès à des personnes qui travaillent, des matériaux et des outils. On peut donc imaginer différents schémas pour perturber la production. Dans le cas le plus simple les travailleurs peuvent simplement décider de faire grève. Mais comme il est fréquemment défendu de le faire, on peut chercher d’autres moyens d’arriver à nos fins. Déjà dans les années 30 aux États-Unis, avec l’implantation d’une automatisation plus poussée, on introduit les grèves rotatives sur les chaînes de montage. Puisqu’il est nécessaire que chacun soit au bon endroit de la chaîne de montage pour qu’elle fonctionne, il suffit toujours qu’une seule personne quitte son poste pour bloquer la production. Ainsi, en ayant toujours une seule personne qui ne travaille pas, personne ne travaille jamais. Aussi, si l’on a pas de matière première, la production se doit d’être arrêtée.

Le blocage par des non-employéEs

À première vue, de tels moyens de perturbation semblent hors de question parce qu’ils ne respectent pas le choix des autres personnes sur le lieux de travail. Mais, il faut se rappeler que le droit du travail restreint le piquetage des travailleurs et travailleuses sur la propriété des patrons. Dans ce contexte il est beaucoup moins contraignant pour les travailleurs et travailleuses de faire appel des personnes externes pour effectuer des blocages à leur place. Sans compter que dans l’économie moderne, beaucoup d’entreprises dépendent de flux immatériels: électricité, téléphone, internet, qui sont toujours littéralement à une vis de cesser de fonctionner! Lorsque le droit de grève sur notre propre lieu de travail est limité par des lois spéciales ou autres, il faut aller tisser le plus possible de liens de solidarité, question d’avoir de la compagnie durant la grève. Chose certaine, il faudra trouver des manières créatives de la faire.

Des solutions individuelles

Si les employéEs de votre entreprise ne sont pas très réceptifs à la perturbation de la production, des solutions individuelles sont toujours disponibles. Il est parfois possible de prendre congé, de simplement pas travailler, de faire plus d’erreurs, de perdre des morceaux de machines, de cacher des outils, ou de trouver d’autres manières de réduire les cadences, les profits et l’exploitation. De cette manière, on forcera indirectement notre lieu de travail à contribuer un peu à un mouvement de grève plus large.

Aller directement aux luttes

Pendant les années 60, de nombreux et nombreuses syndicalistes courraient les grèves, en postulant dans les entreprises ayant déjà des syndicats, pour alimenter les luttes de leurs énergies, si bien que les grévistes pouvaient bénéficier de l’expérience des grèves précédentes. Ainsi, en continuant à être actif dans nos différents milieux de travail, il est possible d’unifier les travailleurs et travailleuses et établir des ponts entre les différentes luttes et les différentes formes de batailles.

Réfléchir sur le fond

Finalement, il faut toujours ouvrir de nouveaux fronts. Il n’y a pas de forme d’action qui conviennent à tous. C’est en essayant de nouvelles choses qu’on risque de trouver des moyens plus efficaces. Sans compter que les personnes sont toujours plus efficaces quand elles font ce qu’elles prennent plaisir à faire. Plus nos grèves seront inclusives, diversifiées et divertissantes, plus on réussira à construire un mouvement d’ampleur. D’ailleurs, les espaces ouverts par les grèves devraient également servir à réfléchir sur leur propres limites: qui peut y participer, qui y participe et pourquoi ? Chaque lutte transforme non seulement le contexte social, mais la compréhension qu’en ont les participants et participantes. Autrement dit, si les gens s’investissent plus dans leur travail que dans les mouvements sociaux, c’est que nous faisons des choses incorrectement.

Conclusion

Nous donnons des idées, mais notre but, c’est de multiplier les foyers de résistances pour que l’on cesse l’appauvrissement, les inégalités et les injustices. Réfléchir collectivement et agir sur ce qui touche directement les travailleurs et travailleuses est la meilleure manière d’élargir la révolte.